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Système U, le Coco et le Coca

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« Le Coco de Paimpol finance le Coca-Cola ». Ce n’est ni une contrepèterie, ni un message recyclé de Radio Londres, mais le cheval de bataille qu’a décidé d’enfourcher Serge Papin. Si le patron de la chaîne de distribution Système U a décidé de mettre en vedette ce délicat petit haricot blanc venu des Côtes d'Armor, c’est pour défendre la filière agroalimentaire française, qui serait en péril. M.Papin parle même, dans une interview accordée aux Echos et à LSA, d’une « chronique d’une mort annoncée ».

Le sujet d’inquiétude, ce sont les conséquences de la Loi de modernisation de l’économie (LME), trois ans après son entrée en vigueur. Celle-ci a conduit à une guerre des prix entre distributeurs sur les produits les plus visibles et les plus comparables d’un magasin à l’autre comme le Nutella, le baril d’Ariel ou la bouteille de Coca. Pour se rattraper en terme de marges, les grandes surfaces vendent plus cher les produits fabriqués par les PME, qui, du coup se vendraient moins. Un cercle vicieux qui conduirait au délitement du tissu industriel agroalimentaire français. Et Serge Papin d’appeler à une modification de la LME en permettant un traitement différencié pour les PME françaises. Il propose de leur garantir un taux de marge minimum de 10 à 15% sur le seuil de revente à perte. Ce qui permettrait de vendre leurs produits à des « prix sociétalement compétitifs » (sic)

L’idée est généreuse et finalement pas très surprenante. La défense des PME a toujours été prise comme prétexte bien commode pour justifier les réformes du secteur. Les multinationales de l’agroalimentaire comme les enseignes de la grande distribution en ont usé et abusé pour servir leurs propres intérêts. Ce qui est plus surprenant, c’est que Serge Papin, pour avoir assisté aux débats sur la LME, sait très bien qu’un tel système à deux vitesses est très compliqué à mettre en œuvre. Garantir des taux de marge de façon administrée contreviendrait aux règles élémentaires de la concurrence. Le sujet avait été évoqué dès 2008 au moment de l’élaboration de la LME et les discussions avaient abouti à la conclusion qu’un mécanisme protégeant les PME n’était pas possible. Il est peu probable que trois ans plus tard, le concept de « sociétalement compétitif » fasse florès auprès de l’Autorité de la concurrence.

Dès lors, la formule du Coco et du Coca tient plus de la posture au moment où s’engagent les traditionnelles négociations annuelles de tarifs entre distributeurs et fournisseurs. Et comme celles-ci s’annoncent très difficiles en raison d’une forte hausse des matières premières, autant prendre les devants en se construisant un fond de commerce sur le thème de la défense des PME, qui, de toutes les façons, vont souffrir. Le contexte est d’autant plus tendu que Carrefour, le leader du marché, qui se montre très agressif en termes de prix déjà depuis plusieurs mois, est déterminé à reconquérir les parts de marché perdues ces dernières années. Système U comme d’autres pourraient en faire les frais.

Les propos de M.Papin sont aussi à replacer dans le contexte d’une possible remise en cause des règles de négociation entre distributeurs et industriels évoquée par le ministre délégué à l’agroalimentaire, Guillaume Garot. Certes, Système U ne demande pas une réforme de la LME, mais de simples amendements. Mais cette requête pourrait donner des idées au gouvernement d’aller plus loin en revenant sur le principal acquis de la réforme de 2009, à savoir la possibilité pour les enseignes de négocier les tarifs avec leurs fournisseurs. Le système a permis de ralentir la hausse des prix dans les grandes surfaces. Le gouvernement pourrait être tenté de trouver un nouvel arbitrage entre maintien du pouvoir d’achat et préservation de l’emploi industriel. Serge Papin a lancé le débat, mais il ne sait pas où il s'arrêtera.

Twitter: @StephaneLauer


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